IEF et choix de l’éducation, un droit en voie d’extinction ?
Hier, le président de la République a fait un discours dans lequel il annonçait vouloir rendre obligatoire l’instruction à l’école à partir de 3 ans. La conséquence directe d’une telle loi est l’interdiction de l’instruction en famille, mode d’éducation choisi par bon nombre de famille en France. Mr Macron estime qu’avec cette mesure, il luttera contre la radicalisation (islamiste) qui mène au terrorisme.
Alors, je conçois que la peur fasse faire des choix hasardeux, mais celui là et quand même vachement bancal. D’une part, les terroristes sont ils réellement issus de l’IEF ? J’en doute fortement. D’autre part, l’école est déjà en grande souffrance actuellement (et hors Covid) alors vouloir accueillir tous les enfants de France d’ici septembre prochain me semble irréfléchi.
Liberté, Liberté chérie
Et oui, le vrai cœur du problème, celui qui anime la grogne des parents c’est que cette proposition de loi est liberticide. Peut être ne le savez vous pas, mais le choix éducatif est inscrit dans la déclaration universelles des droits de l’Homme et du citoyen :
art.26 : Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
, dans la convention relative aux droits des enfants :
Art.28 : Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances
Art.29 : Les Etats parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités
et dans le protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales Européenne :
Art.2 : L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques
Le choix et la loi
Comme ces différents articles te l’indique, le choix éducatif existe et appartient aux parents. Pour une grande majorité, il s’appliquera juste dans la décision de s’inscrire en établissement public ou privé mais pour certains, il sera le choix de ne s’inscrire dans aucun établissement.
Ce choix de laisser les bancs de l’école n’est pas récent, ce n’est pas une mode de bobo. C’est une vraie réflexion qui existe depuis des siècles. Voici par exemple, des gens connus et reconnus qui n’ont pas ou peu fréquentés l’école au cours de leur vie :
- Maud Fontenoy, navigatrice, elle a passé les 15 premières années de sa vie sur un bateau autour du monde ^^
- Pierre Curie, co-prix nobel de physique, il a été exclusivement instruit en famille
- Jean d’Ormesson, écrivain et philosophe, a suivi des cours par correspondance
- Luc Ferry, ex-ministre de l’éducation nationale, a quitté l’école en 3e pour poursuivre à domicile jusqu’au doctorat
- Billie Eilish, autrice, compositrice et interprète, a été élevée selon les principes de unschooling
Comme ces exemples le montrent, l’école n’est pas garantie de succès et le fait de ne pas y aller garantie d’échec. C’est un choix qui s’inscrit dans un projet de vie global, voilà tout. Et l’Etat n’a pas à imposer sa vision sur la question.
Tranches d’expériences scolaires
Si tu me suis depuis longtemps, tu sais que j’ai un passif avec l’école. Je pense que je peux donc, donner mon avis sur la question de façon assez éclairée.
L’école, j’y suis entrée à 2 ans et 10 mois pour en ressortir à 22 ans. 20 ans. 20 ans, confrontée à l’instruction formatée sur les bancs d’une école pas si inclusive que ça. Pendant 10 de ces 20 ans, j’ai été harcelée : malmenée, moquée, volée, frappée, ostracisée par mes pairs, quoi qu’en dise le ministre Blanquer, je n’ai pas trouvé que c’était un bienfait. Après plusieurs années redoublées et un bac raté sur le fil, j’ai fait ma dernière terminale à la maison pour passer mon bac en candidat libre (et je l’ai eu :p )
J’ai appris à l’école des choses qui honnêtement ne me servent à rien au quotidien et parallèlement quantités de choses forts utiles ne m’ont pas été enseignées et pourtant auraient fait de moi une meilleure citoyenne.
Je peux aussi vous parler de mon petit frère, de 6 ans mon cadet. Enfant HPI détecté tard. Il ne s’est jamais intégré vraiment à l’école. Il a fait le collège en 2 ans contre l’avis du chef d’établissement qui a passé son temps à lui mettre des bâtons dans les roues et ma mère s’est battue donc pendant ses 2 années avec l’administration scolaire. Puis vint le lycée où l’aspect prône sur le savoir et où mon frère a préféré quitter ce lieu plutôt que de subir.
L’école à la maison a été une solution pour nous deux à un moment de notre éducation car l’institution ne pouvait rien pour nous.
Et mes enfants dans tout ça ?
En tant que parent maintenant, je ne cache pas que l’école n’est pas forcément mon amie. Mini a d’abord été orienté en CLIS, puis finalement en école classique. Il a fait 1 mois avant que la directrice ne nous appelle pour nous demander de le reprendre. Du coup, je me demande ce qu’à prévu le président dans sa loi, pour ce genre de situation 🙂
Mini a donc commencé l’école par un temps très réduit (et je pense à d’autres enfants qui ont eu un temps très très réduits avant que l’école les abandonne totalement) Il a attendu 9 mois avant qu’une AVS puisse lui accorder quelques heures par semaine. Et même si ça fait maintenant 6 ans qu’il a la même AESH et qu’il peut suivre l’instruction en classe avec ses camarades, c’est un combat de chaque jour entre les rendez vous qui font manquer des demi-journées, les dossiers à remplir et les petits incidents de cour de récré. Bien que je n’en ai pas les nerfs (le confinement me l’a démontré), je sais que l’IEF existe et me permettrait d’offrir à Mini une meilleure qualité de suivi et d’éducation si un jour c’est nécessaire.
Et n’évoquons même pas la tenue « républicaine »
Chaton lui, aime l’école et vient d’arriver en CP où comme son frère avant lui, il est emmerdé à la récré car il a les cheveux longs alors il ne peut être qu’une fille….. -_-‘ Elle est belle, l’école de la République, je pense qu’elle a raté le module « favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant » sur ce coup là.
D’un point de vue purement éducatif, Chaton sait lire depuis le confinement et il s’ennuie profondément en classe. Il n’a pas enfin de faire ses devoirs quand il rentre mais il peut faire des pages entières des cahiers de travail qui sont à sa disposition à la maison 🙂 L’IEF est très tentante pour lui, et pour l’instant je reste dans le statu quo : il va à l’école notamment pour les copains et apprend différemment à la maison en fonction de ses envies.
L’école publique doit changer
Honnêtement, je soutiens l’école publique. Je suis engagée à ses côtés, en tant que parent représentant et membre de l’association des parents d’élèves. On s’est battus pour que mon fils en situation de handicap soit intégré alors que j’aurai pu laisser tomber et partir dans le privé. Je suis de tout cœur avec les prof qui survivent dans des conditions déplorables : plus de travail, plus d’élèves et moins de moyens. C’est pour toutes ces raisons que je suis contre cette proposition de loi. L’instruction doit rester un choix ! Le modèle de l’école moderne a été établi à une époque où il fallait former en masse des ouvriers pour l’industrie naissante. Le Monde a avancé depuis, le mode d’éducation doit en faire de même. Imposer cette école par une loi en dehors de donner raison à mon frangin (prof de son état, il est pas rancunier^^) quand il dit » mais à quoi ça sert que le petit peuple sache lire ? » promet un recul historique en terme d’éducation et de liberté !
Je conclurai en citant Paul Eluard :
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom[…]
Liberté.
Si tu veux en savoir plus sur l’IEF, tu peux suivre Olivia sur son blog ou sa chaine youtube. Ca fait 5 ans que ses enfants sont en IEF et elle partage cette expérience au quotidien 🙂
Un commentaire
Maman Bulle
Je suis révoltée par cette déclaration présidentielle qui en effet, encore une fois, au nom d’une minorité, cherche à priver d’une liberté fondamentale. En tant qu’assistante sociale, j’ai été amenée à un moment donné, à effectuer des visites de contrôle pour l’IEF et en effet, aucune trace de familles radicalisées … En général, elles ne se déclarent pas à l’EN …
En tant que mère, je ne me sens pas la force de faire l’IEF et certains côtés ne me plaisent pas forcément. Toutefois, je suis pour que toutes les familles puissent avoir le choix. Personnellement, j’aimerais pouvoir choisir une école Montessori pour mes enfants, car je trouve aussi que la méthode actuelle de l’école publique ne correspond pas à la façon dont j’élève mes enfants et j’ai peur que le décalage soit trop brutal et néfaste pour mes enfants. Ces écoles aussi sont en danger, car l’Etat veut TOUT contrôler et surtout notre façon de penser …